Fraîchement arrivée au début de l’année 2022, notre série « Brave tes préjugés » suit son cours avec la parution de son deuxième article. Nous évoquons la passion de Céline, métallière, pour cet élément qu’elle aime depuis toujours : l’acier.
Le métal, Céline le côtoie aussi bien dans sa vie professionnelle que dans sa vie personnelle en tant qu’artiste.
Je m’appelle Céline, j’ai 48 ans. J’habite à côté de Nantes. J’étais responsable de projet autour de l’éducation et de l’enfance et j’ai eu envie de changer. J’ai entamé une reconversion il y a 5 ans pour être métallière.
Le métallier travaille à partir de profilés, de tubes et de feuilles d’acier pour concevoir des escaliers, garde corps, verrières, mobiliers… Moi je suis plutôt dans la « grosse » fabrication : charpentes métalliques, renforts, plateformes… Il m’arrive aussi de construire des pylônes de télécommunication qui permettent d’avoir du réseau. Je peux être en atelier ou sur le terrain, en train de monter ma fabrication, sur place. C’est assez polyvalent.
J’ai découvert le métal à la fac dans un lycée professionnel du bâtiment en parallèle de mes études en Art. Le métal m’a toujours attirée, mais parfois on fait des choix de vie qui nous éloignent de nos passions premières. Je pense que l’envie de changement est arrivée autour de mes quarante ans, peut-être la « crise de la quarantaine » chez les femmes ?
« Ça m’a donné envie de me rediriger vers un métier manuel, ma passion première : le métal est revenu en force. »
Pour cela, j’ai fait une formation professionnelle en chaudronnerie industrielle de 9 mois à l’ICAM (école d’ingénieurs qui a une section formation professionnelle pour adultes). C’était un challenge de se dire “Je tente !”. J’ai appris les bases du métier, mais ça n’était qu’une initiation, car le métier s’apprend véritablement sur le terrain, en contact avec la réalité. Cette réalité, j’ai pu la toucher du doigt pendant un stage de 2 mois.
Je suis heureuse dans ce que je fais, car je me sens à ma place. Le fait d’être en contact avec les éléments, de construire des choses qui sont “concrètes” est très important pour moi. Je rentre le soir en me disant « Aujourd’hui, on a fabriqué un pylône de 40 mètres ! ».
J’ai décidé d’adopter le métal également dans ma vie d’artiste. Avec mon savoir-faire, je confectionne des pièces à partir de cette matière.
Je suis fascinée depuis petite par l’acier, sûrement grâce à mon grand-père qui ramenait des pièces d’usine à la maison. Je pouvais passer des heures à les regarder, à voir leur couleur changer, selon la luminosité. À apprécier leurs aspérités.
« Quand on reçoit les tôles d’acier, elles ont des couleurs et des reflets, ce qui les rend magnifiques. Il faut être en contact avec la matière pour comprendre. »
Mais ce que j’aime vraiment avec le métal, c’est de voir la transformation, pouvoir souder, boulonner, utiliser des engins… Tout le côté manuel !
On pense à tort que l’acier, n’est pas sexy : c’est froid, c’est dur, c’est lourd… Mais l’acier, ce n’est pas froid, au contraire. C’est souple et ça se travaille assez facilement. Ce qui est d’ailleurs incroyable, c’est qu’avec une matière qui peut sembler repoussante, on peut faire des choses si douces, légères, et aériennes.
Plus tard, j’adorerai travailler sur des chantiers navals d’industries avec de gros engrenages. Je suis peut-être un peu Vintage, mais j’aime beaucoup ce côté ancien temps.
« Plus tard, j’adorerai travailler sur des chantiers navals d’industries avec de gros engrenages. Je suis peut-être un peu Vintage, mais j’aime beaucoup ce côté ancien temps. »
Mon métier est carré, millimétré, avec des plans, des codes et un but précis. Mais je fais bien la différence avec ce que je fais à côté, en tant qu’artiste, pour lequel c’est tout le contraire car on fait appel aux sensations. Pour ma pratique artistique, je travaille à partir de formes et je me laisse guider par la matière.
Les deux aspects de mon métier (btp et artistique) me comblent tout autant et se complètent extrêmement bien. La preuve, parfois ma boîte demande d’apporter une vision artistique à un travail, une commande. On a d’ailleurs fabriqué avec mes collègues une sculpture pour la ville dans laquelle je travaille. C’était une mission très transversale pour laquelle on a travaillé tous ensemble.
Mes études d’art m’ont apporté cette sensibilité que je peux avoir aux formes, aux choses esthétiques, et je l’intègre aussi dans mon travail. Ça me permet de voir les choses de manières moins conventionnelles, de faire en sorte d’apporter de la rondeur et de la nouveauté aux formes traditionnelles des travaux publics.
J’ai découvert la boîte dans laquelle je suis toujours par le biais de relations. Je me rappelle que le patron m’a dit « Mais qu’est-ce que tu fous là ? ». Il m’a quand même prise… et j’y suis toujours ! J’y travaille depuis 4 ans. C’est une petite boîte de 12 personnes dont 8 à l’atelier.
» L’accueil a été super, l’équipe a été très bienveillante envers moi. Pourtant, j’appréhendais mon arrivée dans une entreprise du BTP. «
La reconversion professionnelle est un chamboulement de tous les repères, on sort de sa zone de confort et on se confronte à un milieu totalement différent. J’avais des craintes par rapport à ma capacité à bien faire. Je pense que c’est quelque chose de classique chez les femmes car on exprime plus son doute « Est-ce-que je vais faire aussi bien que les hommes ? Est-ce que je vais réussir à me faire accepter ? ».
Dans ces métiers dits traditionnellement d’hommes, la force physique est importante. La force entre les hommes et les femmes est différente, mais ce n’est pas grave, car il y a des compensations. Il y a des engins, des moyens de levage, des techniques, et les hommes sont toujours prêts à filer un coup de main.
Par ailleurs, je pense apporter un autre regard sur la manière de faire, lorsqu’on travaille en équipe, sur le terrain. J’appréhende beaucoup chaque jour, je me demande tous les jours si je vais réussir. C’est une sorte de challenge pour moi.
Oui ! C’est un métier très porteur. On recherche des personnes qualifiées ou non, mais qui ont envie d’apprendre ! Seulement, on a du mal à recruter car l’acier attire peu, en particulier les femmes.
Mais petit à petit, dans le secteur du BTP, on voit plus de femmes comme des conductrices de grues et surtout des peintres. Ça peut permettre à des femmes qui n’étaient pas sensibles à ces métiers de s’identifier. On encourage aussi les personnes à venir voir sur un chantier ce que l’on fait concrètement, car ça peut les aider à découvrir des vocations. Le rêve de mon patron, c’est de créer une équipe de filles…
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