Un quatrième numéro pour cette série « Femmes & BTP » qui retrace le parcours de Kate.
Kate a découvert le métier de cordiste par son engouement pour l’escalade, la spéléologie et l’alpinisme. Après avoir fait plusieurs boulots variés, elle voit le métier de cordiste comme l’alliance parfaite entre un métier d’expertise et de passion.
Au début, quand tu arrives dans ce métier, tu ne sais pas trop ce qui te plaît comme domaine, car tu n’as pas encore expérimenté vraiment.
Alors, si tu as l’avantage d’être en intérim, tu prends un peu n’importe quelle mission pour tester un peu tout. Mais tu as toujours la possibilité de refuser une mission si ça te chante. Certains refusent de travailler dans les silos par exemple.
Par contre, si tu es embauchée dans une boite, tu vas là où on t’envoie. Souvent, les entreprises sont spécialisées dans un domaine spécifique.
C’est ce que j’aimais dans ce métier : la polyvalence.
Tu te lèves tous les matins sans avoir aucune idée de ce que tu vas faire. J’ai trouvé ça génial.
J’avais toujours l’impression d’être au-dessus des soucis parce que quand t’es sur ta corde, tu es bien. Tu es à l’air libre, tu n’as pas ton patron sur le dos en train de te dire ce qu’il faut faire. Il n’est pas sur la corde avec toi. T’as vraiment une indépendance sur ce que tu fais.
Ce qui est très excitant dans ce métier, c’est que tu as toujours cette notion de voir des choses que personne ne voit habituellement. Quand tu es amené à travailler dans le domaine de l’industrie, et que tu te retrouves dans un four chimique à changer des résistances, tu te dis qu’il n’y a personne qui voit ça ! Il y a ce côté « challenge » très présent dans le métier de cordiste. Plus c’était foireux, plus j’aimais y aller.
J’ai eu du mal à me trouver. J’ai toujours regardé le métier de cordiste avec des étoiles dans les yeux. Ça fait 8 ans que je fais de la spéléologie, de l’escalade et de l’alpinisme. J’avais déjà parlé avec plusieurs cordistes, car dans le milieu de la montagne, beaucoup se reconvertissent en cordistes, par passion de la corde. Je connaissais déjà le métier, mais je ne pouvais pas penser que j’aurais pu un jour m’y mettre ! J’ai passé le test. Je l’ai eu avec brio ! À 27 ans, j’ai pu commencer un parcours en alternance qui s’appelle CATC.
Pour faire une formation de cordiste, il faut le diplôme de base : le CQP1. C’est une formation de 5 semaines où on apprend les bases du métier, c’est le diplôme le plus commun. Ensuite, après un certain nombre d’heures de corde, on peut postuler pour le CQP2 qui est un examen beaucoup plus poussé. Cet examen permet de devenir chef d’équipe.
Pour ma part, en passant par le CATC, j’ai l’équivalent du CQP2, mais avec une expérience en entreprise en plus.
« J’avais toujours l’impression d’être au-dessus des soucis parce que quand t’es sur ta corde, tu es bien. » Kate.
De manière générale, ça s’est très bien passé.
Durant mon alternance, j’étais en binôme avec un monsieur qui était un peu misogyne et pas très sympathique. À chaque fois que je disais que je ne savais pas faire quelque chose, il ne me laissait pas toucher aux affaires.
Je devais apprendre en le regardant. De temps en temps, je lui disais “ Ça, je peux le faire ». J’y arrivais et ça l’énervait.
En fait, il n’aimait pas lorsque je réussissais sans qu’il ne prenne le temps de me l’apprendre.
Ensuite, sur toutes mes années de chantier, je n’ai travaillé qu’une seule fois avec une autre fille et ça s’est super mal passé, au point qu’elle se fasse virer du chantier. C’était la seule fois que j’ai travaillée avec une autre femme, dans mon métier.
Étonnamment, les collègues masculins n’étaient pas du tout sexiste et étaient hyper ouverts.
Ils avaient une petite crainte que je joue à la fille en disant : » ah non ça c’est trop lourd, je ne peux pas le porter « .
J’étais très rassurée de voir qu’ils me considéraient comme une personne lambda sur le chantier : je portais mes sacs de ciment sans soucis. Je pense que ça les a beaucoup rassurés, eux aussi, et ils m’ont naturellement accepté comme une ouvrière parmi eux.
C’était plus les clients qui étaient étonnés qu’il y ait une femme sur le chantier, que mes collègues.
Pour les femmes il y a un groupe Facebook de femmes cordistes, dont je fais partie Women in rope access France, on est 94 membres.
Il y a du progrès, à l’époque quand je me suis inscrite on était 50 ! En tout, je crois qu’on est 8 500 cordistes (dont 2% sont des femmes).
C’est physique, c’est vraiment très physique. Il faut tout le temps soulever son poids sur la corde en plus des sceaux de maçonnerie accrochés au baudrier. On a tout le matériel et énormément de cordes. Ça fait beaucoup de kilos à soulever !
Il y a beaucoup de blessures dans ce métier et souvent, les cordistes ne dépassent pas les 40 ans sur le terrain.
Ils deviennent pour la plupart formateurs, car ils ont mal au dos et aux épaules.
Il faut savoir qu’on est toujours dans des conditions de travaux d’accès difficile, dans des positions pas super naturelles. Tu vois souvent les personnes à leur bureau avec leurs petits téléphones, chaises et bureaux ergonomiques pour protéger leur santé physique, alors que toi, tu es pliée en 18 à essayer de faire de la maçonnerie, suspendue à une corde, dans le vide … ça fait un peu rire.
« En tant que femme, tu as toujours ce besoin de te prouver que tu n’es pas une « petite fillette » et du coup, tu te donnes à 200% tout le temps » Kate.
On était en train de visser des frises en fonte qui étaient sur les fenêtres d’un bâtiment historique. Mon collègue a fait tomber une frise que j’ai voulu rattraper au vol.
Avec le poids, ça m’a déchiré les muscles du bras, et plus encore. Je me suis blessée à l’épaule, au coude, au poignet et au pouce.
J’ai fait 8 mois de rééducation. J’ai perdu l’usage de mon pouce pendant plusieurs mois. Aujourd’hui, j’ai récupéré un peu de force et quasiment toute ma mobilité, mais j’ai encore des séquelles.
Des accidents de ce genre, j’en ai vu beaucoup au cours de ma carrière. Il y a beaucoup d’accidents comme ça, car on se donne toujours à fond et on travaille toujours dans des conditions particulières.
Il y a des missions que j’ai refusées, car on ne pouvait pas y aller en sécurité. Je souhaite me reconvertir parce que là, j’ai été miraculée sur cet accident. Je ne sais pas combien de temps j’aurai de la chance à ce point.
D’ici quelques années, à force de rééducation, si vraiment je me donne à fond, je pourrai reprendre le boulot. Mais il faudra que je reprenne à temps partiel, que je fasse attention, que je me ménage. C’est ce qui est difficile dans ce métier, car tu ne peux pas être vigilant et te ménager. Soit t’es à 200% soit tu n’y es pas.
N’hésitez pas à partager cet article autour de vous !