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Une prise de hauteur sur la vie : devenir grutière

C’est l’histoire de Amandine, 34 ans, ou du moins l’histoire de ce qui l’a fait changer de métier, plusieurs fois durant sa carrière, jusqu’à sa reconversion pour devenir grutière ! C’est l’histoire d’une petite fille qui aimait jouer à l’aventurière et non à la princesse. C’est l’histoire à travers laquelle des centaines de femmes (et d’hommes) se reconnaîtront !

6 minutes

Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Amandine, j’ai bientôt 34 ans. Après un parcours dans l’automobile puis dans l’enseignement de la conduite, je suis actuellement en reconversion pour devenir grutière.

Femme & BTP - interview

« J’ai toujours : fait les 400 coups, grimpé partout, fait des cabanes dans les arbres. J’ai joué à la poupée, mais elles étaient des aventurières et pas des princesses.
Je pense qu’avec ma sœur, nos parents nous ont éduquées de façon neutre, et pas avec les stéréotypes de genre tels que l’on peut encore voir. »

C'est quoi ton histoire ?

Par mon passé professionnel, j’ai toujours été dans des milieux plus ou moins masculins.

Je me suis donc toujours orientée vers des métiers masculins, même si j’ai une formation qui est plutôt « féminine », puisque j’ai passé un bac administratif – filière dans laquelle on retrouve une majorité de femmes. Ça ne m’a pas plu du tout. Je n’aime pas être dans un bureau, enfermée. Je savais que je ne me destinais pas à cela.
Après mon bac, j’ai enchaîné avec des études de commerce, parce que je voulais être dans l’automobile. C’est ma première passion.  En effet, j’aime les voitures, je fais de la moto. Ainsi, j’ai été commerciale en concession pendant quelques années.

Mais petit à petit, je me suis rendue compte que je n’avais pas le profil commercial : remplir des objectifs, vendre à tout prix, faire du chiffre… J’aimais bien aider les gens, être au contact du public. C’est ce qui me plaisait. 
J’ai donc voulu allier un métier de contact, tout en étant dans un domaine qui me plaît : les voitures.

J’ai alors atterri dans l’enseignement de la conduite, pendant plusieurs années. J’ai aimé ça, mais le métier n’a pas bien évolué d’un point de vue relationnel. Notamment avec les autres conducteurs. Et puis, j’ai décidé de quitter ce secteur. Ce qui m’a également fait quitter mon poste, c’est que, dans le domaine de l’enseignement de la conduite, on ne puisse pas évoluer en termes de salaire. Que l’on y travaille 5 ou 10 ans, le salaire va rester à peu près le même.

De manière générale, je me suis un peu lassée, et puis physiquement, on est cassé (des lombaires aux cervicales). Du coup, j’ai eu envie d’autre chose.

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Pourquoi avoir choisi de devenir grutière ?

Dans ma recherche de changement, j’ai cherché ce que je pouvais faire, vers quoi me tourner. J’ai hésité entre grutière et les espaces verts, qui n’est pas trop féminin non plus.

Je voulais rester en extérieur, ne pas être enfermée dans un bureau. Et puis j’ai un ami qui m’avait dit « j’aimerais bien être grutier », c’est resté dans un coin de ma tête. Je me souviens m’être dit « ça doit être super, on est en hauteur, j’aime bien grimper partout, les trucs atypiques… ».
De plus, c’est un métier qui ne paye pas trop mal. Je ne vais pas mentir, la possibilité de mieux gagner ma vie m’attirait également.

C'est un métier solitaire grutière ?

Plutôt oui. Ce qui différencie la grue du commerce ou de l’auto-école, c’est le côté solitaire. J’ai tellement été dégoûtée des métiers au contact des gens qui sont de plus en plus désagréables, irrespectueux, exigeants … Je ne sais pas si c’est moi en vieillissant ou la société qui change, mais les gens m’énervent de plus en plus. Je n’avais plus envie de me retrouver au contact d’autres personnes.

En tant que grutier·ère, on passe en général toute la journée dans sa grue, là-haut. Quand il y a beaucoup de travail, on prend sa gamelle et on mange entre les manoeuvres qu’on nous demande. Les cabines des grues sont, en général, équipées d’un mirco-ondes, d’une machine à café… c’est le grand confort.
Il y a des grutier·ère·s qui aiment prendre des pauses avec les collègues. Mais il faut avoir le temps de descendre et de remonter. Les pauses sont entre 30 et 45 minutes, et selon la vitesse d’ascension et la hauteur de la grue, on passe plus ou moins de temps à descendre et à remonter.
Moi, par exemple, sur une grue de 35 mètres de hauteur, je mets entre 5 et 7 minutes. Mon temps varie selon ma forme du moment et la météo.

Quelle est la charge de travail qui t'attend ?

Ça peut arriver qu’on ne sache pas à quelle heure on rentre, quand on travaille sur une grue, on est le·a premier·ère à arriver sur le chantier et le·a dernier·ère à en partir. Le·a grutier·ère est indispensable sur le chantier et n’est libéré·e que lorsque tout le monde a fini sa tâche et qu’on n’a plus besoin de ses services.

Le·a grutier·ière est effectivement indispensable dans le BTP parce qu’il y a beaucoup de charges lourdes sur un chantier. Il/elle va aller déposer les éléments là où les ouvrier·ère·s ont besoin de ses services au sol. On est donc tout le temps actif durant la journée. Les seuls moments un peu plus « à la cool » sont en début et en fin de chantier. Ça arrive qu’il y aie des moments comme ça où on reste quelques heures sans rien faire, en attendant qu’on nous fasse signe en bas. 

Comment savoir si on peut travailler en hauteur ?

Grâce à la démarche avec Pôle Emploi pour confirmer mon choix de reconversion, avant d’entamer la formation, j’ai pu faire un stage sur le terrain. J’ai donc pu voir un peu plus à quoi ressemble le quotidien d’un grutier.  
La première fois que j’ai eu l’occasion de monter dans une grue, c’était quand j’ai contacté le centre de formation pour me renseigner sur la formation. Ils m’ont fait faire ce qu’on appelle un « test de vertige ». Ça permet aux personnes, avant de se lancer, de vérifier qu’on peut supporter de travailler en hauteur, sans problème.
Pour moi, c’était concluant, j’allais devenir grutière !

Quand tu montes dans la grue, ce que tu vois en premier et ce que tu retiens, c’est la vue. Tu as une vue géniale de tout l’environnement autour de toi. C’est superbe. En plus, chaque chantier est différent et donc ton environnement de travail change perpétuellement. Tu découvres tout le temps de nouvelles choses, de nouveaux paysages. 

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Selon toi, quelles sont les qualités à avoir pour exercer ce métier ?

Pour devenir grutière, on doit être très minutieux·se, patient·e et délicat·e. On doit également être attentif·ve : à la fois aux ouvriers qui sont sur le chantier, et à l’environnement (autres grues, engins, etc.).
Il faut avoir une bonne capacité d’adaptation pour agir de la meilleure façon possible aux situations qui peuvent surgir. Car là-haut, on est seul·e à prendre prendre les décisions. 
On doit mener un travail de précision, parce qu’il faut poser un élément à un endroit bien précis alors qu’il y a tout un environnement autour avec lequel on peut s’accrocher, s’emmêler. On peut même blesser quelqu’un, sans s’en rendre compte.

Il arrive parfois que l’on travail à l’aveugle, c’est-à-dire sans voir ce que l’on fait, mais en se référant à un·e manoeuvre au sol. Ces situations arrivent quand on veut déposer des éléments derrière des murs par exemple. On est alors seulement guidé par talky-walky ou par gestes du manoeuvre qui est au sol.

Toutes ces qualités, j’avais pu les acquérir pendant mon travail de formation à l’auto-école. Il fallait autant être patient avec la personne qui apprend à conduire qu’avec les automobilistes qui sont sur la route. Je mets aujourd’hui ces qualités à profit pour mon métier de grutière !

« Il faut savoir garder son calme face à la pression qu’on peut avoir des personnes qui sont en bas, car le chantier peut être en retard, ou tout simplement parce qu’elles sont impatientes. »

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